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Sunday Post #17 - Presser



Presser : Serrer de manière à extraire, comprimer, marquer d'une empreinte L'idée de ce post a pris son temps pour arriver - ce qui est drôle par rapport au thème qui est plutôt dans l'immédiateté. Tout cela part d'une expérience toute bête, où une personne qui m'est très proche me demande si je n'ai pas une solution rapide pour soulager une douleur physique aiguë et récurrente. Face à cela, je propose des exercices pour identifier si cela soulage. Spoiler, non ça ne soulage pas, ce ne sont pas des solutions immédiates. Face à l'incompréhension de mon interlocuteur qui cherche une solution "en 5 minutes", je reste muette. Est ce que les exercices que j'ai proposé étaient non pertinents ? Est ce que j'ai fait mal alors que mon idée de départ était l'inverse ? Qu'est ce qui fait que je n'ai pas su répondre à la demande ? Après en avoir discuté avec la personne en face, je comprends enfin (je suis lente à la compréhension, c'est comme ça). En réalité, nous n'étions pas sur le même champ temporel. Je ne travaille pas dans l'immédiateté, dans mon travail dans la finance ou dans le Yoga. Je ne sais pas faire, je n'ai pas les outils pour faire des solutions de 5 minutes, des programmes sur 2 semaines, des séquences de 10 minutes par jour.

En réalité, une douleur ne s'installe pas en 5 minutes donc pourquoi la solution le devrait ?

Aller à l'essence de la douleur, là se trouve, il me semble l'origine du travail. Je travaille sur le temps long. C'est ainsi que je fonctionne, il me faut du temps pour digérer des informations, forger mon sentiment, identifier ce qui me convient. Et ensuite je peux y aller, from 0 to 100km en 2 secondes, mais le temps de démarrage est long. Alors c'est vrai que parfois, c'est délicat à gérer, car mon espace temps n'est pas forcément coordonné avec ceux avec lesquels je dois interagir. Cela me demande de préparer des adaptations en amont, ainsi j'ai une chance de partir d'une base stable, et de pouvoir l'adapter aux circonstances. Être pressée, ne me galvanise pas, ne me permet pas de gagner en performance ou je ne sais quoi. Être pressée me fige, sur place, incapable de bouger, la tortue dans sa carapace, inerte, plus de vie. D'ailleurs, je déteste être en retard, ce n'est pas une formule de politesse, je vis très mal le fait d'être en retard. Ce qui est d'autant plus cocasse que je vis avec quelqu'un qui lui n'a aucune notion de l'heure - " On arrivera quand on arrivera ". Bonjour le grand écart. Face à cela, j'ai dû m'adapter, donc je suis prête à l'heure mais je me prévois toujours un livre, une série, une balade à faire avant que l'on parte. Ainsi j'organise mon temps autour du sien. Je le fais mien. Et ça m'a interrogé, à partir de quand j'ai eu le sentiment de manquer de temps ? De toujours courir après, d'avoir 100 choses à faire en 10 minutes ? En réalité, je manquais de temps pour moi, de temps seule. Car je disais beaucoup "Oui", des fois "Peut-Être" et rarement "Non". Je disais beaucoup "Oui" a toutes les propositions, demandes, requêtes, services. C'était facile de dire "Oui" puisque ainsi, pas de conflit, tout le monde s'aime et surtout tout le monde m'aime. Dans le travail comme dans ma vie privée. Sauf que la seule personne à qui je ne disais pas "Oui", c'était moi. Et quand j'étais au bord de l'explosion de ce reniement, je n'étais pas entendue car je n'avais pas la force de faire résonner mon "Non". J'étais épuisée, pressée, comprimée. Alors depuis cela, j'essaye de faire autrement, car comme dirait une personne qui m'est chère " Si tu ne poses pas tes limites, la personne que tu ne respectes pas, c'est toi" Passer de "Oui" à "Non" n'est pas chose aisée, mais l'avantage c'est que les effets se font ressentir très rapidement (bons ou mauvais d'ailleurs - ça fait le tri). Alors, petit a petit, j'entre sur le terrain de l'affirmation, je dis "Non" plus souvent (pas plus facilement), "Oui, Oui, mais" qui est ma phrase de transition entre "Oui" et "Non" régulièrement, et quand je dis "Oui", je me sens prête à l'assumer, pas le subir. Ce n'est pas tous les jours facile, j'ai du ouvrir ma carapace de tortue pour arrêter de me faire bousculer. Le chemin suit son cours, le temps long fera son oeuvre, j'avance doucement, je respire, je me donne de l'espace. Être pressé, courir comme un poulet sans tête, être overbooké, dans le rouge ou que sais-je est célèbré dans notre société. Cela m'interroge beaucoup car je vois beaucoup de gens courir, sauter d'une activité à l'autre, mais je ne les vois pas plus heureux ou épanouis. Comme si, ne rien faire était une hérésie. Je vois des élèves de Yoga arriver dans la salle de pratique avec encore leurs chaussures aux pieds et leur manteau sur le dos, ceux qui arrivent 1 minute avant le début du cours et s'enfuient 2 minutes après la fin, ou même avant Savasana. Je ne juge pas, chacun fait comme il le veut et souvent comme il peut, j'observe juste ce qui se passe, qu'est ce qui nous pousse ainsi a nous jeter d'un moment à un autre avec autant de violence ? La journée / la vie est perçue comme une longue liste de succession d'activités jusqu'à n'avoir plus de jus restant et être tout sec a l'intérieur. Pour supporter cette incessante course à l'échalote, le corps se raidit, encaisse, la respiration oscille entre bloquée , raccourcie, saccadée. En Yoga, le temps est vu différemment. Selon BNS Iyengar : "The passage of time depends on your breathing. In Pranayama, we are mastering the breath to conquer time" La durée de vie n'est donc pas comptée en nombre d'années mais en nombre de respirations. Conquérir le temps, revient à observer sa respiration et ses fluctuations. Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, cette vision est beaucoup plus douce et incarnée. Pas de contraintes, de compressions. A partir de cela, l'on peut travailler le corps sur le temps long, a partir d'exercices articulaires, d'asanas et de souffle. Partir du corps physique pour travailler les 6 autres corps, entremêlés. S'inscrire dans le temps long, c'est laisser l'espace pour que les effets se propagent. Vous n'avez pas appris à courir avant de marcher, vous n'avez pas appris à tomber avant de trébucher, vous avez pris le temps d'apprendre c'est tout, vous avez raffiner. Tout comme un grand plat de cuisine ne se fait pas en 5 minutes sauf à vouloir quelquechose de cru ou cramé - donc inmangeable, le Yoga n'est pas dans l'instantané. J'ambitionne dans mes cours guidés, d'apporter cette idée du travail au long cours, la cohérence, l'importance de la régularité et de la pratique. On ne se lasse pas de la beauté d'une respiration qui s'éveille et meurs, pour renaître a nouveau, semblable mais différente en tous points Je me réjouis d'assister un groupe sur du temps long, dédié à cela, lors de la prochaine retraite organisée par Yoga Shala Rennes, a partir de Samedi prochain. J'ai hâte, c'est un grand cadeau que d'être invitée à observer et accompagner (un peu) en Yoga des personnes investies et engagées dans leurs pratiques et leurs recherches. J'ai hâte de voir mes élèves jeudi aussi, depuis Janvier, bon nombre de choses ont changées avec le temps et en lien avec la particularité de tous les corps - ça respire. Bonne semaine à vous, qu'elle s'écoule à votre rythme, celui de votre temps, choisi.






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Bonjour et merci pour votre temps !

Les articles sont des réflexions personnelles sur le Yoga et la vie (deux choses très liées finalement). Au plaisir d'en discuter ensemble si le coeur vous en dit !

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